Ne confondons pas ceux qui refusent tout vaccin et ceux qui hésitent : les leviers d’action publique ne sont pas les mêmes dans les deux cas. La majorité de la population défiante est hésitante. C’est le cas par exemple des parents inquiets pour leurs enfants mais prêts à entendre des arguments scientifiques. L’extension de l’obligation vaccinale à onze vaccins pédiatriques en a finalement rassuré beaucoup. De même, certains citoyens ont des questions légitimes sur l’innocuité des vaccins. Par exemple, le développement accéléré d’un vaccin contre la Covid-19 implique-t-il une baisse de la sécurité sanitaire ? Sur ce point, l’arrêt d’essais récents montre bien que la précaution prévaut : les comités de protection des données et des personnes y veillent. Ce système fonctionne, et ils peuvent l’entendre. D’autres, en revanche, ont des certitudes bien plus ancrées. Ces “francs refuseurs” rejettent ce qui, pour eux, constitue le système : le gouvernement, la science, les vaccins… Or, selon les vaccins en question, l’impact de ce rejet n’est pas le même car l’immunité de population nécessaire diffère. Pour prévenir une épidémie de rougeole, par exemple, une couverture supérieure à 85% de la population est absolument nécessaire. Les opposants les plus fermes la mettent en danger, même si la France n’a pas connu, contrairement au Royaume-Uni, de rejet massif du vaccin contre la rougeole. Que faire ? Dans l’ensemble, on peut renforcer la formation des médecins en matière de prévention, et veiller à éviter tout conflit d’intérêt. Mais en outre, je pense qu’une étude psychologique fine des motivations et des valeurs des usagers les plus critiques permettrait d’identifier le meilleur mode d’intervention publique. Il faut en tout cas cesser de croire que la science s’impose d’elle-même !
Marie-Paule Kieny est vaccinologiste, directrice de recherche Inserm, présidente du comité vaccin Covid-19.