En parallèle, l’équipe s’intéresse aussi à une collection d’extraits de champignons détenus par Jean-Michel Bellanger, chercheur au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE) à Montpellier, avec qui une collaboration fructueuse a déjà été lancée il y a 18 mois pour trouver de nouveaux inhibiteurs du virus de la grippe. “Cette collection comprend 280 extraits qui constituent une ressource de molécules potentiellement bioactives très importante. Nous sommes en train d’achever son criblage et nous avons déjà identifié une dizaine d’extraits qui inhibent très efficacement la réplication du coronavirus in vitro, sans toxicité apparente. Il faut maintenant découvrir quelles sont les molécules actives dans ces différents extraits.“
… et de nouvelles cibles dans nos cellules
Le second volet du projet, plus fondamental, vise à mieux comprendre la réponse des cellules à l’infection, ainsi que leurs mécanismes de défense spontanés. En effet, l’organisme possède des défenses antivirales naturelles, qui passent notamment par la production d’interférons. Mais le SARS-CoV-2 inhibe en partie cette réponse… et parvient ainsi malgré tout à se répliquer. En revanche, lorsque ses cellules cibles sont préalablement exposées à l’interféron de type 1 (de manière artificielle), le virus devient incapable de s’y multiplier : nos cellules seraient donc en mesure d’inhiber sa réplication dans certaines conditions.
Pour mieux comprendre cet état “antiviral” de nos cellules, l’équipe de Caroline Goujon recherche les gènes humains qui permettent de bloquer la réplication virale après un traitement artificiel par interférons. En parallèle, elle cherche également les gènes humains qui sont nécessaires à la réplication virale (en l’absence de traitement préalable avec des interférons). Pour ces deux projets, les chercheurs font largement appel à l’outil moléculaire CRISPR-Cas9, qui permet d’inactiver des gènes de façon ciblée. Il s’agit d’un travail à grande échelle puisque les scientifiques recherchent ces gènes à l’aveugle, dans tout le génome humain. Ils utilisent une banque de vecteurs qui contiennent chacun une construction CRISPR-Cas9 qui inactive un gène particulier. Cette banque couvre l’ensemble de nos gènes.
Concrètement, les chercheurs exposent quelques 150 millions de cellules à ces vecteurs, qu’ils infectent ensuite avec le SARS-CoV-2. Ils récupèrent les cellules qui ont survécu et donc résisté à l’infection. “Ensuite, nous les multiplions et identifions les gènes inactivés dans leur génome, décrit Caroline Goujon. L’étape suivante sera d’étudier la fonction de ces gènes. Pour ce travail, nous collaborons avec le Broad Institute, à Harvard. Il nous fournit les vecteurs CRISPR-Cas9 et conduit l’analyse bioinformatique des résultats.“
L’équipe montpelliéraine veut aussi savoir quels sont les gènes cellulaires régulés par l’infection virale et quelles protéines sont exprimées par nos cellules lorsque le SARS-CoV-2 y a pénétré. Ce projet est mené en collaboration avec l’Ecole nationale supérieure de Lyon, avec le soutien financier du programme MUSE de l’université de Montpellier. “Cette étude permettra d’obtenir des informations précieuses pour mieux choisir les molécules potentiellement thérapeutiques à tester en fonction de la découverte de nouvelles cibles . À terme, nous espérons découvrir des antiviraux efficaces ainsi que les protéines cellulaires qui régulent la réplication virale – positivement ou négativement – pour en faire de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles“, résume la chercheuse.
“La coopération mondiale qui se met en place dans ce contexte de pandémie est assez exceptionnelle. Les collaborations spontanées et la diffusions d’informations encore non publiées accélèrent nettement ces travaux“, conclut-elle.
Notes :
*Caroline Goujon est chargée de recherche Inserm, responsable de l’équipe Atip-Avenir Interféron et restriction antivirale, au sein de Institut de recherche en infectiologie de Montpellier (IRIM, UMR 9004 CNRS)
** chargé de recherche Inserm au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE) à Montpellier, équipe Taxonomie et biogéographie des interactions