Publié le 14 oct. 2020 à 12:38Mis à jour le 14 oct. 2020 à 13:41
Rajeev Misra, le responsable du Vision Fund de Sofbank, a eu une vision lors du séminaire du Milken Institute créé par Michael Milken , le roi déchu des « obligations pourries ». Softbank va recourir à la martingale qui affole Wall Street, le fameux « SPAC », (special purpose acquisition company), selon l’agence Bloomberg. Ces sociétés financières introduites en Bourse n’ont qu’un objectif, racheter une entreprise non cotée et permettre à sa cible de réaliser une introduction en Bourse en mode accéléré (sans «road show» auprès d’investisseurs). Une solution pratique quand l’économie et la finance mondiale se débattent dans une longue et contraignante crise sanitaire.
Bulle des SPAC
N’ayant pas pratiquement pas pu lever d’argent pour son deuxième fonds, Vision II, Softbank espère se rattraper avec son SPAC. Il surfe sur l’engouement pour ce type d’opérations financières hybrides, entre les introductions en Bourse et les acquisitions. Softbank veut faire appel aux investisseurs et miser aussi son propre argent (en provenance de Vision II), autour de 500 millions de dollars, pour alimenter son SPAC. Il en livrera des détails dans les 15 prochains jours. Il compte racheter une société plutôt mature, et non pas une jeune pousse qui vient d’éclore. Des banques d’investissement comme Goldman Sachs espèrent travailler sur cette opération génératrice de commissions élevées.
Liquidités
Son fonds Vision I de 100 milliards de dollars a procédé cette année à des cessions d’actions (une partie de sa participation dans Alibaba et pratiquement l’intégralité de celle dans T-Mobile US) pour récupérer des liquidités. Le cours de Softbank est reparti à la hausse et progresse de 55 % cette année. Softbank a connu des déboires dans son fonds Vision I. Le fonds souverain saoudien, Public investment fund, et Mubadala, un des fonds d’Abou Dabi, y ont investi . Ce fut aussi le cas d’Apple et Microsoft. Le fond Vision I de Softbank détient des participations dans 82 sociétés dont Uber et wework.
Chèque en blanc
Les investisseurs qui achètent des actions d’un SPAC lui donnent un chèque en blanc. Ils ignorent le nom de la cible jusqu’au dernier moment. Ils espèrent qu’il réalisera une acquisition à des valorisations attrayantes et comptent sur l’expertise du sponsor du SPAC pour faire les bons choix.
Plus pratiques que les introductions en Bourse, les SPAC sont aussi plus risqués et moins rentables. Selon Renaissance Capital, sur 223 SPAC entre 2015 et juillet 2020, 89 (40 %) ont réalisé une acquisition. Parfois, le SPAC est dissous si aucun rachat n’est effectué au bout de 24 mois.
Les actionnaires peuvent aussi s’opposer à une acquisition. Les cours des entreprises introduites en bourse par le biais des SPAC ont perdu en moyenne près de 19 % depuis 2015 et contre un gain de 37,2 % pour les introductions en Bourse classiques. Seulement 30 % ont vu leur cours progresser.
Les performances se sont toutefois nettement améliorées cette année. Sur 21 opérations, la hausse moyenne est de près de 13 %. En tête figurent DraftKings, Nikola, Virgin Galactic. Jason Robins, le directeur général de Draftkings, dont la valorisation boursière a été multipliée par 4 en 4 mois à 13 milliards de dollars fin août, a déclaré à CNBC qu’il « espérait que le marché se calme un peu. Les SPAC sont des opérations qui ne sont pas adaptées à tous les types de sociétés ».
Engouement à Wall Street
Nées dans les années 1980, les SPAC (des fonds cotés en Bourse qui visent des acquisitions) ont connu une nouvelle vague spéculative grâce au COVID-19. 138 SPAC ont collecté 53,8 milliards de dollars (dont 60 % au troisième trimestre) selon SPAC Research. Entre 2019 et 2017 c’était entre 10 et 14 milliards de dollars par an. Un quart de l’argent collecté vise à des acquisitions dans les TMT (technologie, médias, télécoms), 8 % dans les biens de consommation et 7 % dans la santé. Autres secteurs, l’énergie et la finance. La moitié des SPAC ne donne pas de secteurs ciblés pour ses rachats. Au troisième trimestre, les SPAC ont réalisé 35 acquisitions pour 73 milliards de dollars. Outre l’argent qu’ils collectent, les SPAC peuvent aussi lever de la dette pour leurs rachats. Ce marché est concentré aux Etats-Unis mais la place de Londres veut attirer les émetteurs de ces opérations financières, beaucoup plus rémunératrices pour les banquiers que les traditionnelles introductions en Bourse.